mercredi 2 décembre 2009

SITARANE HISTOIRE OU LEGENDE?

Prés d'un siècle après sa mort, Sitarane fait encore l'objet de cultes diaboliques.
Il incarne aux yeux des réunionnais l'esprit du mal, le diable. Pourtant il n'est que le second dans la hiérarchie.
Qui est donc Sitarane?

De son vrai nom Simicoudza Simicourba, cet homme est âgé de 41 ans au moment de son arrestation.
Né en Afrique, sur la côte Est, au Mozambique Simicoudza Simicourba n'est pas très grand (1,66 m seulement contrairement à ce que croit). Mais c'est un homme massif et très fort. Il arrive à la réunion âgé de 20 ans, en tant que cultivateur et est engagé par Mr Morange sur une propriété à Cambourg. Le climat de cet endroit, lourd et humide ne lui plaît pas. il demande alors son transfert sur une autre propriété mais on le lui refuse. Il reste encore deux ans, puis décide de partir vers l'ouest.
En situation illégale, pour ne pas être identifié, il se fait appeler Sitarane.
Il est ensuite embauché par la famille Chabrier, puis devient charretier à Vue-belle. Les familles qui l'ont embauché disent de lui que c'est un excellent travailleur qui sait se faire obéir des bêtes (don qu'il a hérité de ses origines africaines). On perd ensuite sa trace de 1900 à 1905 pour la retrouver à Grand-bois en 1906 où il travaille sur la propriété "la cafrine".
Là, à Grand-bois Sitarane fait la rencontre de Pierre Elie Calendrin, un tisaneur. Une grande amitié naît. Pierre Elie Calendrin dit "Saint-Ange" qui se rend souvent à Grand-bois pour livrer des tisanes, propose de faire embaucher Sitarane au Tampon. Ce dernier accepte car le travail est meilleur, il devient donc commandeur sur les propriétés de Mr Hoareau.
Sitarane se met alors en concubinage avec une femme plus âgée que lui. Sa compagne à une fille qui est marié à Emmanuel Fontaine, avec qui, Sitarane se lie d'amitié. C'est à ce moment là que la vie de Sitarane prend un autre tournant. Il passe alors de meilleur employé à paresseux. Il émane de lui de plus en plus de violence. Sa rencontre avec Saint-Ange a donc changé son existence. Il quitte son travail une fois de plus et devient gardien chez Mme Hoareau. Mais la dame remarque au fil du temps que sa récolte de café diminue alors que celle-ci est bien à l'abri dans un magasin solidement fermé. Elle fait donc la remarque à son gardien qui fâché décide de quitter son emploi. Mme Hoareau prévient les autres propriétaires de la région et Sitarane ne retrouve dés lors plus d'emploi. Il s'installe alors à la Chattoire prés de la cabane d'Emmanuel Fontaine et commence à voler.

Un climat d'insécurité.

En ce début de XXe siècle règne un climat d'insécurité surtout si l'on vit dans les écarts. De nombreuses bandes de malfaiteurs font parler d'eux. La plupart de ces bandits ne commentent que des vols, mais dès qu'un meurtre est commis, la presse rapporte les faits dans les moindre détails. Les réunionnais ont donc de plus en plus peur. Pour ne pas arranger les choses, l'effectif de la gendarmerie est réduit, leur contact avec la population est limité. Leur déplacement se fait à cheval et par des chemins mal entretenus. Les voleurs ont donc tout le temps de fuir; surtout que de nombreux recoins de l'île sont encore inexplorés.
Ceux qui ont des moyens, dispose de fusils, gardien, chien(s) de garde.

En 1908 Saint-Ange forme sa bande. Avec Sitarane et Fontaine ils commentent des vols audacieux. Entre 1908 et 1909 dans le sud de l'île ( Saint Louis, Rivière Saint Louis, Saint Pierre et Tampon) de nombreuses maisons particuliers et commerces reçoivent des visites nocturnes. les voleurs emportent tout. Le sentiment d'insécurité augmente.
A l'époque les maisons sont en bois. La porte principale est munie d'une bascule sur un ventail et d'une serrure sur l'autre. Pour éviter les risques d'incendies, la cuisine est située dans un autre bâtiment avec une pièce attenante appelée "godon". Cette pièce sert à garder les provisions.
Pour commettre leurs vols, la fameuse bande du sud à une méthode originale. Elle s'attaque au ventail munie d'une serrure. Avec un villebrequin, ils percent une série de petits trous. Puis ils dégagent le morceau de bois ce qui laisse un trou assez large permettant de passer un bras d'homme. La bascule peut alors être actionnée.
Cette façon de procédé fini par être connu des propriétaires qui décide alors de renforcer la sécurité en plaçant une planchette permettant de bloquer la bascule. Mais hélas cela ne suffira pas pour arrêter la fameuse bande. Ils arrivent à entrer là où ils ont décidé de rentrer.
Si les méthodes sont originales, les circonstances des méfaits le sont aussi. En effet, les chiens, des roquets hargneux qui aboient tout le temps restent silencieux lorsque les voleurs agissent. De plus ces chiens restent bizarrement apathiques durant plusieurs jours après le cambriolage.
Autre fait étrange, les vols sont commis alors que les propriétaires des maisons ou commerces visités dorment juste à côté. Ces derniers décident donc d'organiser des gardes. Ainsi au mois de décembre 1908, à la rivière Saint Louis, Pierre Henri Delcantara propriétaire d'une boutique monte la garde avec son serviteur. Non loin de là, à la croisière d'un chemin arrivent trois mystérieux individus. Ils s'agenouillent, allument des bougies et battent des cartes. Après réflexion de l'un d'eux, ils se lèvent et repartent. On saura plus tard que c'est à cause d'un bébé malade qui pleurait dans une maison à côté que les voleurs n'ont pas insisté. Ils n'ont tout de même pas dit leur dernier mot, ils reviendront 8 jours plus tard dépouillé la boutique alors que Pierre Delcantara montait la garde et était réveillé. Pourtant il n'a rien entendu.
Après cela , divers autres méfaits seront encore commis: chez Raoul Leperlier au Tampon, le docteur Aubry à Saint-Louis.
L'état d'esprit des habitants continue à se détériorer. surtout que d'autres bandes agissent également. Les gendarmes n'y peuvent rien et c'est dans ce contexte que va se produire le premier meurtre.

Les drames.
Samedi 20 mars 1909 au Tampon, chemin des 400, Hervé Deltel jeune propriétaire célibataire, qui doit se marier, garde chez lui beaucoup d'argent et de provisions. Ce samedi matin, le jeune homme qui d'habitude est toujours debout à 5h30 n'est pas levé, ce qui inquiète le gardien. Celui-ci décide d'entrer dans la demeure et découvre Deltel dans son lit, mort, baignant dans une mare de sang.
Ainsi malgré toutes les précautions prises par Deltel, les malfaiteurs ont réussi à pénétrer la maison sans même attiré l'attention de ce dernier qui fut tué d'un coup de couteau dans l'angle de l'oeil.
Selon les dires, après le meurtre, la bande s'est installée à table et a fini le reste de repas.
C'est l'épouvante qui s'installe dans les habitations.

4 mois après l'assassinat de Deltel, le 11 août 1909, à l'école des Bons enfants, Lucien Robert, instituteur de 29 ans, est absent. Un élève qui arrive en retard annonce que Lucien et sa femme ont été assassinés. Les époux Robert ont eu le crâne fracassé, la gorge tailladée. Pour en ajouter à l'horreur, le cadavre de la jeune épouse qui attendait un enfant fut souillé. C'est l'affolement général de la population.
Alors que les habitants vivent dans l'inquiétude la plus profonde, Saint-Ange, le tisaneur et chef de bande fabrique un excitant (à base de tête de congres) pour les chiens. Bien entendu, il se gardera de vendre ce remède à ses futurs victimes.
En effet il réserve aux chiens des futurs cambriolés des coqs qui ont macérés durant quelques jours dans une mixture à base de zamal (cannabis) et de datura. Cette mixture à pour effet de rendre les chiens complètement inoffensifs et apathiques. Il a également fabriqué une poudre qu'il souffle à travers le trou de la serrure. Cette poudre a la propriété de placer les occupants assoupis dans un profond sommeil.
Après les meurtres des Robert, la bande commet encore quelques vols mais il semble que sa fin est proche. Ainsi les deux dernières tentatives restent infructueuses. L'avant-dernière victime est un malbar de Saint-Louis , Mr Celly dit "Mardé". Propriétaire d'une boutique, ce dernier est réputé pour cacher sa fortune sous son oreiller.
Le 5 septembre à 18h, comme avant chaque opération, les meurtriers doivent passer un pacte appelé "pacte de sang". Il s'agit d'un rite initiatique qui consiste à avaler en 3 prises un sirop de cadavre. Ce sirop est une mixture à laquelle a été ajoutée 7 cuillères de sang de cabri. Ce breuvage a pour but de rendre invincible celui qui la boira.
Mais depuis l'assassinat Deltel, le sang de cabri a été remplacé par le sang humain.
Donc ce jour, là, comme pour tous les autres jours, les malfaiteurs se retrouvent à la croisée d'un chemin. Assis en cercle, ils brûlent un morceau de camphre, puis Saint-Ange fait des passes au-dessus de la flamme avec un roi de pique. Avec un silence presque religieux, le chef interroge l'au-delà. Après cela Sitarane doit piquer le morceau de camphre de 7 coups de couteau.
Ce soir là, rien ne se passe comme prévu.
Alors que la lumière du morceau de camphre brûlé s'affaiblit, trois silhouettes humaines apparaissent. Les individus se dirigent droit vers la bande. Saint-Ange reconnaît qu'il s'agit de deux hommes et d'une femme enceinte. Puis comme par magie, ces silhouettes disparaissent.
Après quelques minutes, les malfaiteurs se mettent en route et arrive devant la boutique Mardé. Au moment de pénétré la boutique, la bande se retrouve nez à nez avec les trois individus aperçus lors du rite initiatique.
Terrorisés parce qu'ils ont reconnu les personnes qu'ils avaient tué, les voleurs s'enfuient. Ces fantômes ont donc sauvé la vie de Mardé.

Le 30 septembre, le trio décide de se remettre au travail. ils décident de visiter la demeure de Charles Roussel au Tampon. Celui-ci angoissé à l'idée de se faire voler a renforcé la porte de son magasin avec une plaque de tôle.
Ainsi lorsque Fontaine introduit la mèche anglaise, la tôle se met à crisser. Ce qui alerte le gardien. Après une lutte contre les bandits, il tire un coup de fusil, ne les atteint pas, mais réussit tout de même à les mettre en fuite.
Une fois prévenu, les gendarmes se rendent sur les lieux du crime et découvrent divers objets abandonnés par le trio (chapeau, couteau, villebrequin, pistolet ...)
Les forces de l'ordre invitent les habitant à venir reconnaître ces objets. Ces derniers se rendent donc en masse et reconnaissent alors le chapeau, revolver et couteau de Sitarane ainsi que le villebrequin de Fontaine.
Sitarane et Fontaine sont arrêtés ainsi que plusieurs de leurs complices. Saint-Ange qui s'est enfui, ne sera arrêté que deux mois plus tard par un groupe de cultivateur.

Le jugement.



Le procès débute le 2 juillet. Le juré devant l'atrocité des actes refuse toutes circonstances atténuantes aux complices qui n'avaient pas participé aux meurtres ainsi qu'aux deux receleuses (la femme de Sitarane et la fille de celle-ci).
Le trio est condamné à mort. Huit autres condamnations à mort sont prononcées. La concubine de Sitarane et sa fille sont condamnées à 10 ans de prison.
Le verdict est si sévère que le procès fini par être cassé pour vice de forme et le 15 septembre, la cour annule la procédure.
Le second procès reprend le 7 décembre 1910.
Le 13 décembre, le verdict tombe: Sitarane, Fontaine et Saint-Ange sont condamnés à mort. Cinq complices sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité et les deux femmes sont acquittées.
Mais l'affaire n'est pas fini. En effet, le trio intentent un pourvoi en cassation.
Le 18 juin 1911, la réponse revient de Paris et là, surprise: Sitarane et Fontaine sont toujours condamnés à mort, mais Saint-Ange le chef de la bande, le plus dangereux, voit sa peine se transformer en peine de travaux forcés à perpétuité. Il est condamné à l'emprisonnement en Guyane sur l'île du diable.
Sitarane et Fontaine sont guillotinés le 20 juin 1911 et enterrés dans la même tombe au cimetière de Saint Pierre près du mur Ouest.
Saint-Ange quant à lui exilé à Saint Laurent du Manoi en Guyane française s'éteindra le 20 avril 1937.
Le vieillard de 68 ans, chauve, amaigri et malade succombe au paludisme et à une bronchite mal soignée.

Curieusement, un des plus grand criminel de la Réunion et chef d'une véritable bande de malfaiteurs, meurt dans son lit.

La Réunion a depuis longtemps oublié le nom de Fontaine. Peu de gens connaissent Saint-Ange. Mais on prête au mozambicain tous les mérites de sorcellerie.
Ainsi au fil du temps Sitarane est devenu un grand sorcier. Avec les décennies, les superstitions se sont amplifiées. Sitarane est devenu un génie malfaisant.
Depuis sa tombe est toujours visitée. Ses adeptes, qui lui vouent un culte maléfique, fleurissent en permanence sa dernière demeure. Bougies, cigarettes, bandeaux rouge, verres de rhum sont régulièrement déposés lors de cultes nocturnes auxquels se livrent les fidèles de l'assassin.

Mais pourquoi a t-on oublié le nom du véritable chef?
Pourquoi est-ce Sitarane que l'on vénère?

Tombe de Sitarane et Fontaine (cimetière de Saint Pierre)


mardi 1 décembre 2009

Découvrez l'île de la Réunion autrement

Vous qui voulez découvrir une partie de notre histoire et de notre culture, je vous souhaite bonne lecture.